CONFERENCES



19 juillet 2017 : conférence à deux voix de Patrick Poivre d'Arvor et Laurence Vanin, tous deux auteurs d'ouvrage sur Saint Exupéry


24 juillet 2016 : Conférence de Boris Crulnik  sur l'importance des héros dans la construction de l'enfant avec Laurence Vanin LE PRADET : La foule était nombreuse au parc Cravero pour écouter le célèbre psychiatre Boris Cyrulnik dans une conférence très instructive, animée par la philosophe Laurence Vanin. Le nombreux public, composés de petits et de grands, de personnes venues de loin, pour certaines venues de Nice, chacun a écouté avec beaucoup de solennité et d’attention le célèbre neuropsychiatre. Invité par l’association Lire sur le Sable et la Mairie du Pradet, dans le cadre de la fête du livre jeunesse dont il est le Parrain, Boris Cyrulnik est venu parler du rôle des héros avec la philosophe Laurence Vanin. 
Dans son dernier livre, Ivres paradis, bonheurs héroïques (Odile Jacob), le psychiatre raconte comment le petit garçon qu’il était a commencé à surmonter la douleur et l’insécurité en lisant des histoires de héros. A l’époque, les héros n’étaient pas des sportifs, comme c’est le cas aujourd’hui. C’était Tarzan, Rémi (du roman Sans famille d’Hector Malot) ou encore Oliver Twist. C’est avec eux qu’il a appris à lire, lui qui n’avait pas le droit d’aller à l’école. « La vie est un champ de bataille où naissent les héros qui meurent pour que l’on vive. Un poids supplémentaire repose sur les épaules des sportifs d’élite d’aujourd’hui. Ils sont, expliquez-vous, investis d’une charge symbolique: celle d’être les héros de nos sociétés contemporaines. En temps de paix, nous avons besoin de héros éphémères, pour nous faire rêver et nous montrer le chemin. Des héros quotidiens qui nous éclairent, nous font rire, nous procurent des moments de gaieté. La définition du héros, c’est qu’il est un sauveur qui montre la voie, comme une étoile du berger. Ce rôle peut être tenu par Dimitri Payet ou Zidane. Ils sont légendaires, mais on les oubliera rapidement. Si les héros sont aujourd’hui éphémères, c’est pour moi la preuve que nous vivons en temps de paix et en démocratie ». 
Pourquoi a t-on besoin d’un héros ? Si on est en difficulté dans son enfance, on a besoin de figures constructives, de figures d’identification. Un sportif, un musicien ou Tarzan ! Si on est adulte et qu’on a encore besoin d’un héros, cela veut dire qu’on est soit dans la difficulté, soit que, culturellement, notre groupe social est en difficulté. On cherche un sauveur. 
Qu’est ce qu’un héros ? Au départ, les héros sont eux-mêmes des « éclopés » qui doivent surmonter leur fragilité. Ensuite, en temps de guerre, ils désirent donner leur vie pour nous, se sacrifier pour la collectivité. Tout dépend du contexte. En temps de paix, on va jouer à la guerre. Ainsi, le sport met en scène un combat. Souvenez-vous, on emploie des mots guerriers pour évoquer un match de tennis. Un bon sportif est un « tueur. Il dira : je vais me défoncer pour sauver l’honneur de mon équipe. Comment pensent les personnes résilientes
J’ai travaillé avec des hommes et des femmes touchés par les attentats parisiens du Bataclan. Pour l’expliquer de façon triviale, leur raisonnement est le suivant : j’ai été blessé, j’ai perdu ma famille, mais je vais m’organiser pour vivre le moins mal possible, et parfois même pour avoir une belle vie. Je ne vais plus perdre une minute et passer l’essentiel de mon temps avec les gens que j’aime. Le héros désire sacrifier jusqu’à sa vie pour être aimé. Alors que celui qui déclenche un processus de résilience veut vivre. 
Le héros se situe au-delà de la victoire et de la défaite ?
 On ne demande pas au héros d’être vainqueur, mais de sauver l’honneur et de donner une noble image du groupe. Comme Roland à la bataille de Roncevaux, ou comme Zidane. Avec son coup de tête, le 9?juillet 2006, lors de la finale de la Coupe du monde de football à Berlin, Zidane se fait exclure et l’équipe de France perd le match contre l’Italie. Mais, lorsqu’on a appris que son adversaire italien, Marco Materazzi, avait insulté sa mère et sa sœur, le coup de tête est devenu un symbole de l’honneur vengé.Il a sauvé l’honneur de la France. A l’inverse, le public n’a pas pardonné à la main de Thierry Henry d’avoir touché le ballon. Il a fait gagner la France contre l’Irlande, lors du match de qualification pour la Coupe du monde de football 2010. Mais en trichant, il a symboliquement souillé l’honneur du pays. 
Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik estime que les terroristes islamistes sont volontairement façonnés selon une mécanique identique à celle qui a amené au régime nazi. 
Comment expliquez-vous une telle violence au nom d’une religion ? Cela s’est déjà vu dans le passé. Cela existe depuis longtemps. On met la haine dans des quartiers en difficulté, on repère les enfants, on leur offre des stages de formation. Ce sont des groupes politiques qui utilisent le terrorisme comme une arme. Quand la haine est semée, on repère les enfants les plus faciles à fanatiser et on les envoie au sacrifice. Cette organisation est financée par les gens du pétrole et de la drogue, qui ont des intentions politiques sur le Moyen-orient et l’Occident. C’est un peu la théorie du complot ? Ce n’est pas une théorie. Cela a déjà été fait. L’inquisition chrétienne relève du même processus. Le nazisme est parti de la belle culture germanique allemande, et en quelques années a mis le feu au monde. Des slogans sont entrés petit à petit dans la culture commune. La population s’est soumise à une représentation dépourvue de jugement. La société s’est imprégnée de ces idées. 
Que faire aujourd’hui ? On peut faire de cette tragédie une solidarité ou un massacre. Les musulmans français sont en danger. Ils risquent d’être agressés. 99% des arabes tués dans le monde le sont d’ailleurs par d’autres arabes. Ces phénomènes se sont produits dans l’histoire et se reproduiront. Ces terroristes sont donc formatés et ne sont pas fous ? Ce ne sont pas des fous, ni des monstres. Ce sont des enfants normaux et en détresse, façonnés intentionnellement par une minorité qui veut prendre le pouvoir. Ces enfants sont abandonnés, en difficulté psychosociale et éducative, et il faudrait d’abord les éduquer. Ils le sont par les réseaux sociaux qui sont une arme pour façonner ces jeunes. Internet véhicule une représentation facile de la réalité, une pensée paresseuse à l’origine de toutes les théories totalitaires. Avec une minorité d’hommes formés, payés et armés, manipulés et fabriqués, on peut détruire une civilisation. Cela a été fait. L’inquisition et le nazisme l’ont fait. En disant cela vous déresponsabilisez aussi ces terroristes… C’est un risque. Je pense aussi que l’on a toujours un espace de liberté. Mais je veux parler de la responsabilité de nos gouvernants qui ont abandonné culturellement les gosses de nos quartiers et les ont soumis à des manipulateurs. L’Allemagne nazi était très cultivée, mais la base de la société ne l’était pas du tout. C’est exactement la même chose dans les pays du Moyen-orient.
 Est-ce la même mécanique dans la tête d’un nazi et d’un fondamentaliste islamiste
Oui, clairement. C’est la même méthode. Freud disait les mots désignent des choses au début, puis des choses qui ne sont pas là et c’est la fonction du symbole, et enfin ils finissent par ne plus rien désigner du réel. A ce moment là, on se soumet à un slogan. Quand une culture ne permet pas la rencontre et le débat, on est des proies et internet démultiplie le pouvoir de ces manipulateurs. 
Quel est votre regard sur l’attentat de Nice
Depuis janvier 2015, les attentats se succèdent en France. Cette répétition est une nouvelle forme de guerre. Ce sont les guerres asymétriques, les guerres chroniques, comme on constate depuis plusieurs décennies au Proche-Orient. Au Proche-Orient, ce sont les extrêmes qui sont en train de prendre le pouvoir dans tous les pays. Dans ce cas, les gens se radicalisent. La fonction des politiques devraient être d’empêcher cette radicalisation. Si le gouvernement actuel ne prend pas des décisions de défense solides, j’ai peur que des groupes d’autodéfense apparaissent comme on l’a vu au ProcheOrient. Dans ce cadre, le neurologue a jugé que « les politiques ne tiennent pas leur rôle. Ils aggravent le clivage contre le processus de résilience collective en réglant leurs petits comptes personnels ou des comptes idéologiques. C’est le contraire de ce que devrait faire un homme politique. Actuellement, ils sont en train de soulever les problèmes misérables qui empêchent la population de se défendre alors je crains qu’il y ait des groupes d’autodéfense ou des sectes qui apparaissent comme on l’a vu au Proche-Orient. 
Boris Cyrulnik est probablement le plus connu des neuropsychiatres français. Ses travaux portent sur la science des comportements (l’éthologie), plus particulièrement du nourrisson à l’adulte, sur les composantes de l’épanouissement et des situations traumatiques, leurs conséquences et les façons de les surmonter. Infatigable pédagogue et vulgarisateur, il a donné un sens à la notion de résilience, et publié, entre autres, 25 ouvrages sous sa seule plume, en français. On citera, parmi les plus connus, « Un merveilleux malheur » (1999), « Les vilains petits canards » (2001), « Parler d’amour au bord du gouffre » (2004). « Ivres Paradis » est sa dernière « livraison », dans un flux, ces dernières années, de près d’un ouvrage par an.
Ce très honnête homme a, entre autres engagements, participé à la commission Attali sur les freins à la croissance Ce livre est une réflexion sur le besoin des individus et des peuples de s’inventer, d’incarner ou de magnifier des « héros ». Notre enfance en est peuplée. Ces figures familières nous aident à nous construire, à trouver refuge, à s’inventer un modèle. Dans la vie d’adulte, elles prennent d’autres visages, une dimension collective qui porte et transporte, de l’amour à la haine. Ce livre explore progressivement les déterminants de la figure héroïque, dans son approche individuelle et collective. Il aborde les épopées, les mythes totalitaires, leurs construction, leurs ressorts, leurs effets. De Superman à l’idéologie nazie, de Rémi de Sans famille à Tarzan, Mandrake ou Zorro, de Robespierre aux Kmers rouges ou au Petit père des peuples, Cyrulnik nous invite dans la fabrique des héros et des totalitarismes, des bonheurs héroïques d’une mère Térésa ou d’une Jeanne d’Arc, comme dans les paradis promis aux candidats au Jihad. 
Points forts Comment dire? Tout est fort dans ce livre.
La clarté de l’exposé, la diversité des exemples (beaucoup, extraits de l’histoire contemporaine), l’abondance des sources, la qualité didactique, un style d’écriture, sans jargon excessif, avec une pointe de connivence. L’explication du rôle du contexte historique et politique dans la construction des figures héroïques. Par exemple, l’héroïsation de la résistance des juifs du Ghetto opposée à l’oubli de la résistance des catholiques de Varsovie. 
Des révélations aussi, comme le phénomène des « épidémies de croyance », de l’appel à la première croisade du Pape Urbain 2 (1058) aux rumeurs sur Internet. Des exemples didactiques de personnalités « extraordinaires », comme Germaine Tillion (résistante), devenues héroïques par leur comportement ou leurs choix. A l’envers de la médaille, des héros « négatifs », non pas admirés mais craints, véhicules de sentiments d’exclusion ou d’humiliation comme Mohammed Merah. 
Une minute de silence a été observée ce lundi à midi en hommage aux victimes de l’attentat de Nice qui a fait 84 morts. 
Pour Boris Cyrulnik, psychiatre et neurologue, cette minute de silence est importante car « elle marque que la société soutient les blessés et les familles de morts ». « C’est tout à fait important de faire un rituel social pour montrer aux gens blessés qu’ils ne sont pas abandonnés ». « Si les gens sont soutenus, il y aura beaucoup moins de troubles psychiques. C’est nécessaire mais ce n’est pas suffisant », juge le psychiatre. 
« Une résilience doit se faire au niveau collectif » 
Connu pour le concept de résilience, la capacité d’un être humain à surmonter une épreuve, Boris Cyrulnik a jugé, qu’après l’attentat de Nice, cette résilience « se fait au niveau collectif et se fait à tous les niveaux. « Lorsque quelqu’un a été traumatisé, quelqu’un est endeuillé, il y a un rituel du deuil qui est absolument nécessaire. Le rituel est un phénomène socioculturel. Quand le pays reconnaît la tragédie qui a frappé ces gens, ces gens se sentent entourés et biologiquement, ils se sentent mieux.Si l’unité nationale n’a pas eu lieu dans la classe politique après l’attentat, l’unité existe dans le peuple. Chaque fois qu’un groupe humain est agressé, ça augmente la solidarité. On constate que chez nos politiques, c’est exactement le contraire. De plus en plus de sociologues se demandent s’il n’y a pas une dissociation entre le peuple et les gens qui doivent gouverner ce peuple », conclut le psychiatre. 

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